…de posséder quand on vient au monde, j’entends, des dons exceptionnels, la beauté physique et celle de l’âme, autrement dit, tout ce qu’il importe d’obtenir du destin. »
Ce fut le cas de Lucien Fontanarosa grand artiste et homme d’une telle qualité que j’ai considéré cet athée comme étant un saint qui s’ignorait. Quand je le lui disais, il s’esclaffait d’un rire demeuré juvénile bien au-delà de la jeunesse, ce qui ajoutait encore de l’éclat aux traits qu’il avait superbes, d’un classicisme qu’on retrouvait dans sa peinture, noble caractéristique qui n’empêchait nullement cette œuvre d’être d’une originalité des moins répandues et parfaitement de son temps. Fontanarosa était si doué qu’il fallait beaucoup l’aimer  pour ne pas le haïr à force d’envie. 
En effet, tant d’aisance au sein de la rigueur qu’impose le désir de réaliser une œuvre épargnée de tout fléchissement confine à la provocation confraternelle. En fait, meilleur des confrères, Fontanarosa ne visait aucunement à défier mais, de par l’immensité de ses dons il ne pouvait éviter que sa production soit d’une supériorité incommodante pour la plupart d’entre nous.

Excellant en tous genres, il évoquait Venise, le canal Saint Martin ou les beautés de la Provence avec autant de bonheur qu’il en apportait dans l’exécution de natures mortes où la musique joue un grand rôle,… 
Doté d’un précieux sens de synthèse, il lui suffit d’à peine suggérer pour plonger autrui dans une atmosphère dont la sensible intensité entraîne  un délicieux envoûtement visuel contre lequel on ne peut rien, ce bon magicien des brosses étant d’un pouvoir sans limites dès qu’il a décidé par le truchement d’une touche magistrale de nous tenir à merci de la plus plaisante façon qui soit… 
L’œuvre de ce dionysiaque mesuré est un vibrant hymne clamé à la gloire de la nature, et donc à celle du Créateur de toutes choses; c’est en cela qu’à l’insu de son auteur elle est religieuse, quelque sensuelle qu’il lui advienne souvent d’être… ”

Michel Ciry
avril 1993