Fontanarosa, peintre français d’origine italienne… Cette dualité immédiate, suggestive, marque sa vie et son œuvre. La résonance même de son nom, des séjours fréquents en Vénétie, au cours de ses premières années, le sentiment d’être italien, le “ climat méditerranéen ” contribuent certes à sa formation personnelle, à l’ébauche de sa vision. Vouée dans les années 1940 à une gamme sévère de quatre à cinq tons contrastés, posés à plat, la palette du peintre, au cours des années, s’élargit et s’enrichit. Vers 1952 elle gagne en vigueur, en intensité : renonce au parti qu’elle tirait d’une sobriété jugée nécessaire. La couleur témoigne d’une véritable maîtrise. Elle exalte la lumière qui émaille le fond des compositions de larges raies ; elle nuance les ombres, les reliefs, modèle les formes, capte les transparences, vivifie les chairs. Elle se traduit par une sensation isolée, mais cerne par sa puissance mystérieuse la qualité d’un spectacle, devient valeur. La nature suscite partout l’attention amusée de Fontanarosa, stimule son imagination. La rigueur, les exigences de la construction n’effacent pas la qualité du sentiment éprouvé, laissent filtrer cette “ folie des débuts ” dont parle l’artiste.

L’harmonie triomphe de la géométrie, l’aisance de la sévérité… Amoureux des reliefs, du caractère, des nuances, Fontanarosa aborde chaque pays, chaque peuple, chaque ville, avec le même respect, la même tolérance, le même enthousiasme. Il échoit alors au peintre d’accorder la singularité de l’objet avec sa sympathie pour lui ; de saisir, pour nous le communiquer, le langage intime, voilé, permanent, éternel, des êtres et des choses. L’organisation de la composition, le souci de garder l’émotion première, l’équilibre des couleurs, des formes, n’interviennent que dans la mesure où la beauté, l’harmonie, la vie peuvent y régner. Résolue à enrichir son originalité en dépit des courants contraires, peu soucieuse de forcer l’adhésion par les seules habitudes du talent, de donner aux autres, de peur de les décevoir ensuite, la sensation de l’évasion passagère, l’œuvre de Lucien Fontanarosa ouvre, par un tracé qui lui est propre, les voies d’un univers meilleur où l’on peut trouver à loisir, bonheur, équilibre charnel, sensible, musical, du monde et de l’âme humaine.

Michel Ratier